Explication de mon vote sur la loi constitutionnelle de protection de la Nation

La loi constitutionnelle de protection de la Nation votée mercredi 10 à l’assemblée nationale a fait l’objet de beaucoup de débats, de nombreuses tensions, d’une forte médiatisation, et de réactions souvent virulentes notamment sur les réseaux sociaux. Après les attentats du 13 novembre dernier, et avec le traumatisme qu’ils ont provoqués au sein de la population française, le Président de la République en congrès en décembre dernier s’était engagé sur ces mesures. La situation exceptionnelle à laquelle nous devions faire face en urgence, et à laquelle nous devrons faire face encore surement plusieurs années, ne permet pas les conditions d’un débat serein. Alors que nous avons besoin de confiance et de mots mesurés, des peurs de toutes sortes s’expriment, à juste titre, que l’on soit attentif à protéger les libertés individuelles ou que l’on s’engage pour enrayer la progression de la barbarie et des crimes de Daesh.

Cette loi contient 2 articles. J’ai participé aux débats dans l’hémicycle depuis leur ouverture le vendredi 5 février, j’étais également présent le lundi 8, j’ai voté l’article 1, je suis intervenu pour expliquer mon vote contre l’article 2 au travers d’un amendement de suppression que j’avais déposé, et en conséquence je me suis abstenu sur l’ensemble du texte le mercredi 10.

Cette loi prévoit la modification de la constitution française qui doit protéger les droits et les libertés des citoyens contre les abus de pouvoir potentiels des titulaires des pouvoirs. Aucune loi ne peut venir la contrarier ou venir en contradiction. Notre constitution se réfère à la déclaration des droits de l’homme et du citoyens de 1789 qui reconnaît l’égalité des hommes en droits (art. 1er), la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression (art. 2). Elle vise à protéger les hommes de l’arbitraire et à garantir le respect de leurs droits par des juridictions impartiales appliquant les principes et les peines définis par la loi et respectant le principe de la présomption d’innocence (art. 7 à 9). Elle pose également le principe de la liberté d’opinion (art. 10) et de la liberté d’expression (art. 11), ainsi que le droit à la sûreté (art. 12) que l’on nomme sécurité aujourd’hui. Tel est notre pacte fondamental.

J’ai exprimé à plusieurs reprises que je n’étais pas choqué par ce projet de loi après les attaques répétées et meurtrières par des terroristes en lien avec l’Etat islamique. Le monde change, nous avons le devoir de réagir à la hauteur de la réalité de la menace, ici pour protéger les français, et dans les pays ou les populations sont actuellement en danger. Il y a plusieurs façon d’intervenir et chacun peut être mobilisé à sa manière.

J’ai voté l’article 1  de cette loi car il encadre le recours à l’Etat d’urgence. Y compris contre un usage abusif qui pourrait en être fait par une simple loi, comme c’est le cas actuellement. Cela ne signifie donc en aucun cas que je suis pour un état policier, bien entendu, mais qu’au contraire nous devons prévoir les modalités qui autorisent à déclencher cet état d’urgence, afin de nous prémunir d’éventuelles dérives qui seraient le fait de gouvernements autoritaires.

J’ai demandé avec d’autres parlementaires que nous ajoutions à l’article 1 initial le contrôle du parlement durant l’état d’urgence, et sa durée limitée dans le temps. Ces deux points ont été adoptés: le renforcement du contrôle parlementaire figure dans la loi, et la durée ne pourra être supérieure à 4 mois (amendements de mon collègue François De Rugy et de l’UDI).

Je voté contre l’article 2 qui inscrit la possibilité de la déchéance de nationalité par la loi,  si une personne est condamnée pour un crime ou un délit portant une atteinte grave à la nation. Je m’en suis expliqué à l’occasion de la défense de mon amendement de suppression. L’article 2 a néanmoins évolué au cours du débat parlementaire, pour ce qui concerne les bi-nationaux, et sur le fait que la perte de nationalité dépendra d’une peine prononcée par un juge et non par le pouvoir politique ou administratif. Mais, malgré ces évolutions positives, je continue de penser que cet article n’a pas d’effet dans la lutte contre le terrorisme, qu’il n’est donc pas opportun d’en inscrire le principe dans la constitution, il relève du seul symbole. Le débat autour de ce symbole créé des amalgames. J’ai donc voté contre.

Lors du vote de la loi dans son entier, et à ce stade du débat puisque la loi doit désormais être examinée par le Sénat, je me suis abstenu, étant favorable à l’article 1 et contre l’article 2.

Le texte a reçu 319 voix pour et 199 contre, les 3/5 des votants ont donc été atteints (une majorité simple suffisait pour adoption lors de ce vote là, mais pour le congrès il faut une adoption par 3/5 ème des exprimés pour modifier la constitution) et nous sommes 51 députés a avoir choisi l’abstention à ce stade du débat parlementaire.

Les parlementaires ont pleinement joué leur rôle en améliorant significativement le texte, et se sont positionnés en « constituants », comme il fallait le faire.

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