Art, espaces publics et sécurité

La question de nos libertés est au cœur de toute réflexion sur la sécurité. En démocratie, une politique de sécurité qui n’aurait pas pour mission de maintenir les libertés n’aurait pas de sens. Cette question se pose de façon cruciale depuis que la France est la cible d’une des plus grandes entreprises de terreur moderne qu’est le djihadisme perverti et déviant de Daech.
Cette question se pose avec encore plus d’acuité concernant l’art dans l’espace public.
Audrey Azoulay, ministre de la Culture, affirmait lors de ses vœux aux acteurs culturels, le 17 janvier dernier, que face à la violence massive, la mission qui est la nôtre, qui est la vôtre tous ici, devient encore plus brûlante, encore plus cruciale : non pas pour réparer la société mais pour la soutenir dans son projet républicain, faire vivre ses défenses les plus profondes, celles qui sont les seules susceptibles de nous protéger à long terme et de rendre possible la résilience de notre société.

L’art et la culture nous sont indispensables pour lutter contre le fanatisme et développer l’esprit démocratique.
Mais dans le même temps, la question de la sécurité dans les espaces publics se pose de façon ardue pour toutes les manifestations culturelles qui prennent place dans l’espace public. Les férias, les grands événements populaires, les grandes manifestations sportives en plein air, sont toutes obligées à réfléchir à ces questions.
Les ministères de la culture et de l’intérieur ont confié en juillet dernier une mission conjointe au Préfet Hubert Weigel, sur la sécurité des événements culturels.
Parmi ceux-ci, les festivals et manifestations culturelles dans l’espace public ont une problématique particulière. Plus que toute autre discipline artistique, les arts de la rue, par leur surgissement et par leur absence de cadre défini, questionnent la société, provoquent, animent et alimentent des débats forts.
Ils prennent souvent pour cadre une ville entière. Si la sécurité des artistes, des techniciens et du public y est primordiale, il n’est pas possible d’envisager de fermer des villes comme on peut fermer des stades ou des salles de concerts. Ce sont ces réflexions que les acteurs des arts de la rue ont amené lors des auditions du Préfet Weigel. L’an dernier, un seul de ces grands festivals a réellement été impacté, après le terrible attentat de Nice, le festival d’Aurillac. Le dispositif de sécurité, installé à la hâte, n’était pas satisfaisant. Faisant appel à des sociétés de sécurité mal préparées à ce genre d’événement, coûteux, et largement inefficace, le dispositif a généré des tensions avec le public et les habitants, autant qu’il a gêné le bon déroulement de la programmation dense de ce temps fort des arts de la rue. Pour autant, l’expérience d’Aurillac 2016 permet de mieux appréhender les exigences qui seront discutées en 2017 pour l’ensemble de ces manifestations. La nécessité de penser ces dispositifs dans le respect de l’identité, souvent très forte, de ces manifestations, comme la nécessité de prévoir les surcoûts entraînés et leur compensation, est impérative.

Sollicité par plusieurs manifestations, Christophe Cavard a interrogé Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, lors de la séance de questions au gouvernement du 1er février. Retrouvez ci-dessous sa question et la réponse de la Ministre.

« Madame la Ministre,
Votre ministère et celui et de l’Intérieur ont confié en juillet dernier une mission sur la sécurité des événements culturels au préfet Weigel, qui doit rendre son rapport à la fin du mois de février.
Le champ de cette mission couvre l’ensemble des événements culturels, qu’ils prennent place en lieu clos, en lieux dédiés, ou dans l’espace public.
Ma question concerne particulièrement ces derniers événements, et notamment les grands festivals d’art de la rue français, Aurillac, Sotteville, Chalons, Alès, qui réunissent plusieurs dizaines, parfois centaines de milliers de personnes sur plusieurs jours, dans toute une ville.
L’enjeu de la sécurité de ces manifestations est crucial. Mais les dispositifs doivent être pensés autant pour leur efficacité que dans le respect de l’identité de ces festivals.
Or, l’exemple du festival d’Aurillac 2016 nous a montré qu’un dispositif de sécurité inadapté pouvait provoquer des difficultés de programmation et des contestations générées par le dispositif lui-même. Et, dans ce cas précis, un surcoût important, sans garantie d’un remboursement par les fonds d’urgence, 50 000 euros restants à la charge du festival après la compensation par le fonds d’urgence géré par le CNV. (centre national des variétés).
Particulièrement exposés du fait même de leur situation dans l’espace public, nos festivals d’art de la rue sont des fleurons de la démocratisation culturelle. Ils sont, plus que tout autre peut-être, au cœur de cette mission brûlante des acteurs de la culture que vous évoquiez récemment. Leur existence même est un vecteur de diffusion d’une culture démocratique.
Les organisateurs sont prêts à prendre cette responsabilité, en inventant des dispositifs de sécurité qui ne trahissent pas leur identité artistique.
Quels engagements pouvez-vous prendre, Madame la Ministre, pour que les dispositifs de sécurité puissent être cohérents avec la mission artistique de ces événements, et que leur surcoûts soient compensés par une dotation exceptionnelle ?

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