Conseil européen du 12 février – Créons un service de renseignement européen, c’est urgent !
Communiqué du jeudi 12 février 2015
Un Conseil européen se tient, à Bruxelles, aujourd’hui, jeudi 12 février 2015, pour évoquer la lutte menée par l’Union Européenne contre le terrorisme. Parmi les points annoncés à l’ordre du jour il est rappelé qu’il faut « que les États membres collaborent plus étroitement et coopèrent encore plus activement pour lutter contre une menace commune. »
Cette initiative semble apparaître comme une évidence aujourd’hui et l’on ne peut que s’en réjouir. C’est en ce sens qu’allait déjà le rapport rendu à l’Assemblée le 24 mai 2013 par la commission d’enquête parlementaire que j’ai présidée sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés et djihadistes. Nous avions auditionné, au sein de cette commission, dont le rapporteur était Jean-Jacques Urvoas, nombres de magistrats anti-terroristes, responsables de services de renseignement intérieur et extérieur (DCRI et DGSE), cellule de renseignement financier (TRACFIN), comme les autorités de contrôle des services.
Il est ressorti de ces travaux que les services ne disposaient pas de moyens suffisants pour pallier au mieux le risque terroriste : problème d’effectif, faiblesse des outils juridiques auxquels ils pouvaient recourir… Malgré un professionnalisme à toute épreuve. Durant cette période, l’affaire Merah venait de se dérouler et avait fait la une de tous les titres de presse.
Nous avions déjà conclu à l’époque à la nécessaire adaptation des moyens qui s’inscrivait dans la volonté que je porte d’intégration à l’échelle européenne du renseignement intérieur communautaire. Et cela passe notamment par une culture européenne du renseignement (organisation des services, procédure d’alerte et de suivi, moyens, information et coordination politique, etc.).
Au-delà d’une coordination entre services de renseignement des états membres, comme l’autorise le traité de Lisbonne et surtout le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne dans son article 73, l’idée de créer un service de renseignement européen me semble plus que nécessaire aujourd’hui. Cet « Interpol du renseignement » serait en mesure d’assurer la meilleure protection de nos démocraties et de la France par la même occasion. Les enjeux à venir au niveau européen qui pourront être discutés lors de ce conseil à Bruxelles ne se situent pas tant sur l’opportunité de la mise en place d’un «fichier des passagers aériens» (PNR, «Passenger Name Record»), porté par le ministre Bernard Cazeneuve lui-même, dont je salue par ailleurs le travail. On ne combat pas le terrorisme uniquement avec un fichier. Et n’omettons pas le risque d’un virage sécuritaire dangereux pour les libertés publiques. Sécurité rappelons-le n’est pas synonyme de « sécuritaire ». Méfions-nous dans ce sens des dispositifs qui dérogent à l’intervention de la justice lorsqu’il s’agit de moyens coercitifs.
C’est d’ailleurs par un manque de garanties en termes de protection des données, que les eurodéputés, écologistes pour partie, par l’intermédiaire de la commission des Libertés civiles, avaient rejeté, en avril 2013, une première version de cette future directive européenne « PNR ». Et je serais donc moi-même attentif à la mise en place d’un « PNR français » dont le ministre de l’Intérieur a annoncé la mise en place dès le mois d’octobre prochain, dans le cadre des Questions au Gouvernement (hier) mercredi 11 février, l’Assemblée nationale.
Le véritable enjeu c’est la création effective d’un service de renseignement européen. Une plate-forme commune. Cela suppose que l’on repense les synergies entre une approche française et anglo-saxonne notamment, mais aussi sur le maillage régional et la meilleure articulation des SDIG (Services départementaux d’information générale) sur le territoire français comme celui des autres états membres.
C’est ainsi que la seule question d’un fichage ne peut résoudre les lacunes liées à l’absence d’un tel service européen du renseignement. Quid des individus déjà identifiés et surveillés comme ce fut le cas pour Hayat Boumeddiene, qui a finalement pu rejoindre la Syrie. Comment n’a-t-elle pas été interceptée avant ?
Enfin, au sein de nos démocraties, il nous faut répondre à l’urgence de sécurité et de protection des personnes, mais surtout à la prévention des actes terroristes, et donc se poser la question du pourquoi ? Comment autant de jeunes de quartiers en France, en Belgique ou en Espagne partent pour la Syrie, embrigadés dans des filières djihadistes. Pour cela, ne nous contentons plus d’une simple surveillance, mais d’une reprise en main des rapports sociaux et humains dans le cadre des politiques de prévention de la délinquance. Il nous faut agir en amont et en aval sur le phénomène de radicalisation. Un travail de fond qui doit être mené avec les services pénitentiaires, les forces de l’ordre, la justice, les services éducatifs. A ce propos, une brigade d’éducateurs spécialisés (répartie sur l’ensemble du territoire couvert par l’UE), rompus aux problématiques de radicalisation ou d’endoctrinement de la jeunesse, semble véritablement nécessaire aujourd’hui. Ce réseau d’éducateurs devra être déployé et financé à l’échelle de l’Union Européenne.