Débat sur les retraites : le compte n’y est pas, les écologistes s’abstiennent !

Mardi 15 octobre 2013, après une semaine de débats, les députés votaient en première lecture le projet de loi sur les retraites, voté par 270 voix contre 249.
 
Véronique Massonneau, cheffe de file des député-es écologistes sur ce texte, a expliqué, lors de la discussion générale, les raisons de l’abstention du groupe sur la réforme des retraites. Malgré les avancées que représentent la mise en place d’un compte pénibilité,  le financement  des retraites reste trop injustement partagé entre salariés et entreprises.
 
Pour Christophe Cavard, la sauvegarde de notre système de protection sociale est une priorité et un enjeu majeur. Dans ce cadre, le choix donné entre cotiser plus, partir plus tard ou percevoir moins est pourtant un faux « débat ». En effet, il est urgent de repenser la solidarité nationale pour le financement des retraites. Des propositions sont faites, comme un élargissement de l’assiette des cotisations retraites, notamment en calculant le montant des prélèvements sociaux sur la valeur ajoutée.
 
 
Lire l’explication de vote de Véronique Massonneau pour le groupe écologiste (voir la vidéo)
 
« Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous attendions de la nouvelle majorité de gauche une réforme indispensable de notre système de retraites, capable d’associer justice du financement et dispositions porteuses de grandes avancées sociales. C’est à partir d’un tel constat que s’est construite la grille de lecture des écologistes. Le texte qui nous a été soumis comprend un équilibre précaire entre bonnes et mauvaises mesures. Les mesures de financement, en particulier, sont inacceptables. Pire, elles valident la réforme de 2010 à laquelle nous étions, ainsi que vous-même, madame la ministre, tant opposés. 
Le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre, dont ne sont exclus que les bénéficiaires de l’ASPA, est une mesure injuste, à tel point que l’article qui le prévoit fut supprimé par un premier vote. Sa suppression fut soutenue sur tous les bancs de cet hémicycle, sans exception. Certains collègues ont fait savoir qu’il s’agissait d’une erreur de vote. Quoi qu’il en soit, le règlement de notre assemblée offre au Gouvernement la possibilité de demander une seconde délibération, au moyen de laquelle l’article a été rétabli en l’état, ce qui est bien dommage. Ai-je besoin d’évoquer l’allongement de la durée de cotisation ? Les écologistes y sont totalement opposés, comme vous le savez. 
Le dispositif retenu est en outre particulièrement surprenant, oscillant entre scénarios très optimistes et mise en place à partir de 2020. 
 
Son impact économique est encore bien flou. Son impact social, lui, est beaucoup plus clair : il est injuste. Pour en finir avec les mesures de financement, que dire du sort des entreprises ? Il est évident que les efforts financiers, à l’issue d’une crise à l’impact désastreux, en particulier sur les PME, ne peuvent porter exclusivement sur les entreprises. Les solliciter exagérément constituerait un bien mauvais signal. Mais ce qui vaut pour les PME vaut aussi pour nos concitoyens. Or les garanties de compensation données par Bercy sont absolument injustifiables. Cela signifie que l’effort repose uniquement sur les ménages, ce qui n’est pas acceptable. 
Fort heureusement, certaines mesures viennent rééquilibrer un texte bien mal embarqué. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il s’agit de la prise en compte, enfin, de la pénibilité et des mesures pour les jeunes, pour les carrières heurtées et pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Que d’objectifs ambitieux ! Hélas, leur traduction concrète, elle, l’est moins. (Mêmes mouvements.) Toutefois, je ne peux que me féliciter de la création du compte personnel de prévention de la pénibilité, dispositif ambitieux, innovant, juste et constituant une grande avancée sociale. Il s’agit en outre de la mesure la plus largement issue du travail parlementaire. Les améliorations à la marge pour les femmes ou pour les carrières longues sont à saluer, même si l’on aurait pu aller plus loin. De même, les mesures sur les retraites agricoles vont, elles, dans le bon sens. 
Je me réjouis également de la prise en compte effective de l’apprentissage. Il s’agit d’une chance réelle pour notre jeunesse. L’intégrer dans les cotisations vieillesse est une mesure de bon sens et de justice. Mais il s’agit en réalité de la seule avancée pour les jeunes. L’article 16 est unanimement considéré comme inopérant mais il a été jugé préférable de le garder. Quant à la prise en compte des stages, que dire ? À bien y regarder, cela me donne l’impression que les revendications étudiantes ont été écoutées, mais pas entendues. Il n’est pas possible d’exclure à nouveau les employeurs du dispositif, ce qui constituerait une prime aux étudiants les plus aisés. Une fois encore, on offre la possibilité de s’acheter des droits. Est-ce là l’image que vous avez de la justice sociale, madame la ministre ? Voici un amendement qui, promu comme une grande avancée, est en réalité à l’image du texte : un financement injuste pour une mesure qui manque d’ambition, une belle communication au service d’un dispositif timide !
C’est pourquoi, je vous le dis en toute honnêteté, déçue par l’amendement, je suis aussi déçue par la réforme. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Lors de l’annonce du projet de loi, j’avoue avoir nourri de l’espoir. Certes, l’allongement de la durée de cotisation constituait déjà un point d’achoppement, mais si les avancées sociales sont à la hauteur des objectifs, me disais-je, alors on pourra aider la gauche à concevoir et voter une loi vraiment ambitieuse. Force est de constater, à l’issue de deux semaines de débats, que le compte n’y est pas. Les quelques avancées du texte, le compte pénibilité en particulier, sauvent péniblement, au trébuchet si j’ose dire, son équilibre  en compensant les iniques mesures de financement. Voter contre le texte, ce serait voter contre ses avancées.  
En tant qu’ancienne syndicaliste, je ne peux décemment m’opposer à une véritable prise en compte de la pénibilité. Parce que la réforme comporte des avancées mais n’assure aucunement la justice du financement et parce que vous n’avez pas su, madame la ministre, faire les gestes qui s’imposaient au cours de la discussion, les écologistes s’abstiendront. »

 

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