Audition pour la reprise d’entreprises par les salariés
Mercredi 4 février 2015, Christophe Cavard a été auditionné à l’Assemblée nationale – en tant qu’ancien rapporteur de la loi Économie Sociale et Solidaire – par la députée de l’Hérault, Fanny Dombre Coste, dans la cadre de la mise en œuvre de la loi ESS et de ses articles 19 et 20. La députée socialiste a été missionnée par le Premier ministre sur la mise en œuvre effective et les améliorations éventuelles relatives pour le droit d’information préalable (DIP) des salariés en cas de cession d’entreprise. Un dispositif qui est entré en vigueur le 1er novembre 2014 et qui s’adresse aux entreprises de moins de 250 salariés. Ces derniers doivent être informés au plus tard deux mois avant le transfert de propriété, d’après la loi.
Dans le cadre de cette mission, dont les conclusions doivent être remises le 15 mars 2015, Christophe Cavard a été entendu, par Fanny Dombre Coste, mais aussi Eric Dupas Lego, le conseiller « ESS » de Carole Delga, Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire, et par respectivement, Franck Flores (juriste, direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services) et Michel Hainque (membre du Conseil général de l’Économie).
Pour rappel, cette mission a pour objectifs précis :
- d’évaluer le nombre d’emplois qui sont en jeu chaque année du fait des difficultés rencontrées lors de la transmission d’entreprises saines ;
- d’évaluer les conditions de mise en application du droit d’information au cours des premiers mois après son entrée en vigueur ;
- de proposer les évolutions nécessaires, le cas échéant, pour une mise en œuvre efficace de ce droit, tout en assurant la sécurité juridique des cessions ;
- d’identifier les dispositifs complémentaires nécessaires aux salariés et aux chefs d’entreprise pour faciliter la transmission d’entreprise.
Rappelons tout d’abord que le droit d’information préalable découle de la loi « économie réelle » dite « loi Florange ». Elle a été retoquée par le Conseil constitutionnel en raison des sanctions prévues pour favoriser les salariés pour reprise (notion de droit à la propriété), et du coup François Brotte (président de la commission des Affaires économiques) a réintroduit ce droit à l’information dans la loi ESS, aux articles 19 et 20. Ce qui découle de ce droit est de permettre aux salariés de participer aux choix de reprise d’entreprise ou de reprise de parts. Dans la loi ESS, il est prévu de favoriser la reprise d’entreprise sous forme de SCOP, ce qui avait déjà été défendu dans la loi « économie réelle », par Christophe Cavard et le groupe écologiste.
Au cours de cette audition du mercredi 4 février, le député du Gard a abordé plusieurs points et fait des propositions concrètes pour améliorer le dispositif :
- Bien qu’il puisse y avoir des cas à venir de cessions d’entreprises pour raisons économiques ou dans l’objectif de réaliser des plus-values, ces deux articles 19 et 20 permettront surtout, d’ici 2020, de répondre à un afflux de départs en retraite, puisque de nombreux chefs d’entreprises seront en mesure de faire valoir leur droit, et ainsi céder leur entreprise.
- En référence au guide pratique produit par le ministère de l’Économie à destination des salariés et chefs d’entreprise, il serait bon de renforcer les éléments inscrits dans la lettre type proposée aux acteurs en cas de cession, car elle semble ne pas contenir tous les éléments susceptibles de favoriser la dynamique de ce dispositif nouveau.
- Le droit à la formation des salariés via le Compte Personnel de Formation (CPF) doit être mieux mobilisé surtout quand le chef d’entreprise peut anticiper la cession plusieurs années avant pour départ à la retraite. Lors des débats sur la loi ESS Christophe Cavard avait insisté pour que des formations professionnelles visant la connaissance et la maitrise des spécificités de gestion sous forme de SCOP soient mises en place. Par ailleurs il faut également mieux informer et accompagner les chefs d’entreprises pour lever les freins à la cession aux salariés (ils y sont mal préparés, seuls 9% le souhaiteraient selon une enquête récente sur la transmission d’entreprise).
- Christophe Cavard a insisté aussi sur les moyens à apporter pour aider à la transmission aux salariés. Par exemple en permettant aux collectivités territoriales de jouer un rôle particulier (un cadre à définir à l’intérieur du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République), aider aussi les salariés, à l’instar de ce qui se fait grâce à la convention « Agir pour l’emploi et la création d’activité » 2014-2017 pour les demandeurs d’emploi qui souhaitent financer une création ou une reprise d’entreprise (dispositif NACRE par exemple). Sur cette même idée, il est apparu judicieux durant l’audition de jouer sur la fiscalité du côté du chef entreprise (par des allégements fiscaux en cas de reprise par les salariés) comme en offrant des aides directes aux salariés repreneurs (financement par la région).
- Concernant les sanctions en cas de non-respect de la loi, l’ancien rapporteur de la loi ESS a défendu le fait qu’il serait préférable de rechercher des mesures « incitatives » plutôt que de passer par la sanction directement. Sachant qu’en cas de non-respect de la loi sur le droit d’information, le salarié aura toujours la possibilité de demander la nullité de la cession. Le problème du délai instruction en justice est tout de même soulevé, de même que le risque de laisser un seul salarié agir en nullité. Divers dispositifs d’incitations ont été ainsi déclinés, de même que l’idée que l’on prévoit un nombre minimum de salariés en mesure d’adresser un recours. Les partenaires sociaux pourrait également être associé au dispositif dans un rôle d’accompagnement de la reprise-cession plutôt que de se retrouver a posteriori « frontalement ».
Pour terminer, il a été convenu de suivre ensemble les suites qui pourront être données à cette mission, notamment dans le cadre d’une loi à venir issue du ministère du travail après l’échec des récents pourparlers dans le cadre du dialogue social.