Explication de vote sur la loi de lutte contre le terrorisme
Christophe Cavard a exposé, au nom du groupe écologiste, l’explication de vote sur le projet de lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et leur financement, et renforçant les garanties de la procédure pénale, en séance du 8 mars 2016.
Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, sur lequel nous devons nous prononcer, est un projet dense, mettant en place des dispositifs souvent nouveaux, qui doivent nous permettre de sortir de l’état d’urgence.
Ce n’est pas une tâche facile.
La menace terroriste à laquelle nous devons faire face est sérieuse et difficilement prévisible. Les réponses que nous devons trouver doivent anticiper, à partir des failles constatées lors des précédents attentats, en cherchant le bon équilibre entre renforcer la sécurité de nos concitoyens et protéger les libertés et droits individuels.
Nous voulons continuer de vivre dans une société ouverte, créative et libre, mais nous ne pouvons pas vivre comme s’il ne s’était rien passé, comme si rien ne pouvait se passer demain. Nous devons affronter le réel, avec sérénité et responsabilité.
Ce projet de loi sur lequel nous avons travaillé la semaine dernière avait fait l’objet d’un examen approfondi en commission des lois, qui l’avait déjà amendé. Un certain nombre de points d’équilibre restait toutefois à obtenir, parmi un ensemble de mesures qui concernent le pouvoir administratif. Celui-ci doit être concentré sur la prévention et la neutralisation du risque d’attentat, et faciliter l’instruction judiciaire qui conduira à déterminer les sanctions, le cas échéant, envers des personnes suspectées à raison.
Mais cette volonté de neutraliser un risque d’actes terroristes nous oblige dans le même temps à garantir des droits de recours et la transmission par le pouvoir administratif des décisions motivées. De nombreuses dispositions ont été renforcées dans ce sens. C’est dans l’intérêt des services de police comme dans celui des personnes concernées. Comme évoqué lors de ma précédente intervention : chaque dérapage, aussi peu nombreux soient-ils, nourrit le sentiment d’injustice susceptible de constituer un terreau d’enrôlement.
Par ailleurs, les possibilités d’indemnisation des victimes d’attentats ont été renforcées et simplifiées. C’était une demande forte.
Mais, dans la contrainte de temps qui nous était impartie, un certain nombre de débats n’ont pu aller jusqu’au bout.
Ces débats ont parfois été vifs. Sur le récépissé lors de contrôles d’identité, sur le déclenchement obligatoire de caméras mobiles, nous savons que nous n’en avons pas terminé, et que, pour reprendre les mots du ministre de l’intérieur, je cite « il faudra rapidement envisager l’amélioration des modalités de contrôles une fois qu’elles seront opérationnelles ».
Cette exigence d’évaluation concerne d’autres dispositions du texte. Il en va ainsi de mesures qui touchent des activités économiques ou sociales qu’il va désormais s’agir de protéger sans mettre à mal leur organisation, comme les grands évènements sportifs et culturels. Les parlementaires que nous sommes seront attentifs à ces éléments d’évaluation.
Sur la question de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, nous avons entendu l’engagement du Ministre de la Justice de revenir sur ce point lors de l’examen du projet de loi de réforme judiciaire J21. Je souhaite que cet engagement soit tenu.
D’autres débats sont des débats de fond, qui ne seront pas tranchés.
Nous avons eu de longs échanges sur le rôle de la prison. La droite pense que durcir les peines pourra permettre d’endiguer les actes. Nous pensons que c’est illusoire. La prison doit être un lieu de privation de liberté pour celles et ceux qui sont condamnés, mais aussi un lieu où il est possible de se reconstruire, de se réinsérer, pour éviter les aggravations que nous payons parfois cash lorsque les personnes sont libérées. L’amendement adopté sur l’extension des peines de sureté, qui passent de 22 ans à 30 ans est inutile, et nous espérons que la navette parlementaire permettra de revenir à la raison.
De même, si le juge des libertés a été réintroduit dans un certain nombre de dispositions touchant au renforcement du rôle des parquets, la question du statut et de l’indépendance du parquet devra bien finir par être une réalité.
Enfin, et c’est un enjeu majeur, un certain nombre de dispositions qui découlent de l’article 20 pour la réinsertion et le désendoctrinement de personnes radicalisées, doivent être assorties d’une obligation de moyens aux structures chargées d’y procéder.
Le chantier n’est donc pas terminé.
Il est toujours difficile d’être pleinement satisfait sur l’ensemble d’un texte aussi complexe. Nous rechercherons ici une adaptation la plus efficace possible de nos règles administratives et judiciaires. L’Assemblée Nationale a pleinement joué son rôle.
Verre à moitié vide, ou verre à moitié plein ? Pour ma part, comme un certain nombre de mes collègues écologistes, je penche vers le verre à moitié plein, et je voterai le texte. Une autre partie de mes collègues le considère comme un verre à moitié vide, et ne le votera pas. Sur ces questions si difficiles traitant de la sécurité, la pluralité de nos expressions, et notre engagement dans le débat, reste la meilleure des garanties démocratiques.