Intervention en Discussion générale du PLF pour 2015 à propos de la mission Travail Emploi

Mardi 3 novembre 2014, Christophe Cavard intervenait pour le groupe écologiste dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour 2015, à propos de la mission « Travail Emploi ».

Le chômage continue d’augmenter et les prévisions pour l’année 2015 ne sont pas optimistes. Monsieur le Ministre vous avez déclaré, je vous cite, « la politique de l’emploi est un échec ». Vous avez le mérite de la sincérité et cela pourrait nous éviter de commenter à la hache et sans nuances des courbes du chômage que nous n’arrivons plus à suivre, des chiffres contradictoires, selon des indicateurs mal calibrés.

Mais qu’est-ce que la politique de l’emploi en vérité ? Si c’est celle pour laquelle nous votons les crédits aujourd’hui, ou 11 milliards lui sont consacrés, il s’agit de l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et des publics les plus en difficulté, au travers du financement d’organismes tels que pôle emploi, les missions locales pour les jeunes, les dispositifs pour les personnes handicapées ou encore l’insertion par l’activité économique. Il s’agit également du financement des contrats aidés ou pour une part de la formation professionnelle.

Il n’y a pas là matière à polémiques pour sa partie budgétaire. Notre attention doit se porter en réalité sur les modalités de dépenses de ces crédits en lien avec les collectivités territoriales qui pilotent la plupart des actions.

Pour lutter contre le chômage, les écologistes appellent à un changement de cap en matière d’orientations économiques, de programmes d’investissement public,
et demandent une rupture avec les vieilles recettes telles que l’illusion qu’une baisse du cout de travail – sans contrepartie par les entreprises quelles que soient leurs tailles, leurs activités, ou leurs bénéfices – serait facteur de relance et de création d’emplois. De ce point de vue, le pacte de responsabilité répond à une vision dogmatique inadaptée à la réalité car faisant de l’entreprise un objet unique, comme si elles étaient parfaitement identiques les unes des autres, avec les mêmes besoins pour embaucher, telle qu’une baisse des charges. Ce n’est pas le cas.

Pour lutter contre le chômage, nous souhaitons également que des lois que nous avons récemment votées soient mieux portées et mises en œuvre à la hauteur des enjeux qu’elles ont su faire émerger. Je pense par exemple à la loi pour un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire, à la loi sur la formation professionnelle avec la création du compte personnel de formation à partir de janvier prochain, à l’apprentissage et à la réforme de l’insertion par l’activité économique.

Sur ce dernier sujet, qui concerne directement le secteur de l’économie solidaire – les entreprises de l’IAE font désormais partie des ESUS (entreprises solidaires d’utilité sociale) de la loi ESS -, nous devons nous méfier de la tentation des évaluations quantitatives. Inlassablement je rappellerai que les publics prioritaires sont par définition des personnes que les professionnels considèrent les plus éloignées de l’emploi. Parce qu’elles ont avant tout des difficultés sociales à résoudre. Des problèmes de logement ou d’accès aux soins par exemple …. Vouloir renforcer les évaluations quantitatives comme vous l’avez dit M. le Ministre, viser ce que vous appelez les « sorties positives », c’est vouloir faire une politique du chiffre inadaptée à ce secteur.
Car si une structure, pour avoir des crédits publics et maintenir son activité vit sous la menace de ne pas avoir assez de sorties positives en emploi classique et bien elle recrutera, dans un chantier d’insertion par exemple, des personnes ayant le moins de difficultés sociales. Ce qui dénature totalement leur mission première qui est précisément l’accompagnement social dans le cadre d’une remobilisation par l’activité. C’est le risque des choix des critères choisis pour la part modulable du nouveau contrat CIDD.

Cet exemple vaut pour d’autres sujets auxquels nous avons à faire dans le cadre de la mission budgétaire qui nous occupe ici. C’est très bien de renforcer les effectifs de pôle emploi, nous approuvons. Pas pour « mieux contrôler », mais plutôt pour « mieux accompagner, informer, proposer, soutenir ». Nous parlons d’êtres humains, dont nous devons protéger la dignité.
Il est nécessaire également de renforcer la professionnalisation des équipes de Pôle emploi parce qu’elles vont devoir désormais intervenir d’avantage auprès des bénéficiaires du RSA qui comme je l’ai déjà dit apparait aujourd’hui comme le 3ieme piliers de l’assurance chômage. Il dépend de Conseils généraux, qui ont à la fois la responsabilité du versement des allocations et celle d’établir des contrats d’insertion.
D’ailleurs, la baisse prévue de dotations aux collectivités risque fort de mettre les futurs conseils départementaux en difficulté, alors même que ceux-ci participent activement aux politiques d’accès à l’emploi, tout comme les régions pour la formation professionnelle ou l’apprentissage.

Une politique de l’emploi en soutien aux personnes en situation de chômage c’est aujourd’hui savoir articuler différents niveaux d’intervention, dans le cadre d’un financement juste des mesures qui leurs sont destinées.
Les collectivités territoriales ne peuvent être des opérateurs sans moyens. Ce sont des assemblées démocratiques qui doivent conquérir une autonomie fiscale afin de pouvoir mettre en œuvre leurs orientations et leurs projets.
Elles ont des compétences essentielles en la matière, il faut donc qu’elles aient les moyens de leurs politiques.

Les contrats aidés dont nous prévoyons aujourd’hui le financement sont pertinents s’ils apportent également une formation qualifiante à leurs bénéficiaires. Nous en augmentons aujourd’hui le nombre, cela soutiendra par là même des entreprises de l’ESS. Mais il ne faut pas s’arrêter là, et il faudra notamment soutenir ces dernières pour le financement des formations.

Donc, le budget présenté ici pour la mission travail emploi, je le redis, ne prête pas à polémique, il est juste incomplet et doit être rapproché d’autres mesures indispensables pour  l’efficacité des actions en faveur de l’emploi durable.

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