Les petites ruses pour amender la loi sur le renseignement
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Franck Johannès
Jean-Jacques Urvoas, le président socialiste de la commission des lois de l’Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi sur le renseignement est, sous des allures bonhommes, un fin renard. Et dans cette guerre feutrée qui consiste à conduire un texte jusqu’au vote en séance, il n’ignore rien de l’aimable conseil de Clausewitz qui soutenait que « la guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Il en a fait la preuve en douceur mercredi 1er avril devant ses pairs, en faisant adopter une série d’amendements. Le texte, qui légalise et élargit les moyens d’action des services de renseignement, a été approuvé dans la soirée par la commission des lois de l’Assemblée. Il sera débattu en séance à partir du 13 avril.
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Jean-Jacques Urvoas, qui regarde le projet renseignement comme son bébé, savait que le gouvernement n’était pas du tout favorable à l’intégration du bureau du renseignement pénitentiaire dans les six grands services de la « communauté du renseignement ». Les surveillants travaillent à la sécurité des établissements et la prévention des évasions, et ne sont pas des apprentis espions.
Parade
Or le député avait sur sa droite un amendement de Guillaume Larrivé (UMP, Yonne) qui prônait ce fameux rattachement. Difficile pour un socialiste de rallier les positions d’un député de la droite dure, proche de Brice Hortefeux. Il était tout aussi difficile de heurter de front Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira, les ministres de l’intérieur et de la justice, en déposant son propre amendement. Jean-Jacques Urvoas a trouvé la parade : déposer 160 amendements à 21 heures la veille du vote dont pas un n’évoquait la question, et se rallier en séance à l’obscur et opportun amendement d’un député EELV, Christophe Cavard (Gard), membre de la commission des affaires sociales.
L’amendement a été adopté sans problème, et permet au bureau de renseignement de l’administration pénitentiaire d’avoir accès aux mêmes moyens d’espionnage que les services spéciaux. Christiane Taubira l’a à nouveau déploré, et estimé que ce bureau allait devoir être rattaché au ministère de l’intérieur. Le placide Bernard Cazeneuve s’est lui-même étonné du « paradoxe qu’il y a à dire que les techniques de renseignement vous inquiètent et qu’il faut les généraliser à tout le monde ».
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