Loi Macron : ce projet de société n’est pas le nôtre
Les députés écologistes Christophe Cavard et Eva Sas, vice-présidente de la commission des finances, ainsi que Christophe Najdovski, adjoint au maire de Paris et Sandrine Rousseau, porte-parole d’EELV, expliquent pourquoi ils rejettent la loi Macron, qui « contribuera au final à construire une société de plus en plus duale et éclatée, entre riches et pauvres, entre ruraux et urbains, une société qui privilégie le court terme et néglige l’environnement et les générations futures ».
La loi Macron, loi fourre-tout s’il en est, est sur le point d’être adoptée. Elle signe la dérive vers un modèle de dérégulation qui tourne le dos aux engagements présidentiels de 2012
- Travail du dimanche : moins de qualité de vie pour peu d’emplois supplémentaires
Le projet de loi Macron propose d’étendre le travail dominical en créant de nouvelles zones touristiques et commerciales, et en passant de 5 à 12 dimanches travaillés sur autorisation du maire. Que ce soit un recul pour la qualité de vie de ces salariés qui devront renoncer à ce jour jusqu’ici consacré à la convivialité et à la vie personnelle et familiale, c’est certain. Mais cela créera-t-il au moins des emplois ? L’ouverture des commerces un jour supplémentaire ne pourrait générer un surcroit de chiffre d’affaires que si les Français épargnaient moins pour consommer davantage, puisque le revenu reste constant. Or rien de tel n’a été observé lorsqu’en 2003, l’Allemagne a fait le choix de déréglementer le travail le dimanche. La consommation se répartira simplement différemment entre les jours de la semaine sans surcroit de chiffre d’affaires, et celle-ci sera captée en partie par les grands magasins et centres commerciaux qui pourront désormais ouvrir le dimanche, au détriment des commerces de proximité indépendants. La loi risque ainsi de fragiliser plus encore le petit commerce, pourtant si essentiel à la vie de nos villes, de nos villages, et de nos banlieues. Dès lors la question posée est la suivante : n’aurait-il pas fallu simplement se limiter à l’extension des zones touristiques, seule mesure susceptible de générer des créations d’emplois ?
- Allègement de la fiscalité des actions gratuites : un coup de pouce fiscal … aux cadres et dirigeants.
Alléger la fiscalité des actions gratuites distribuées par les entreprises à leurs cadres : un coup de pouce fiscal aux start ups ? Oui, bien sûr, mais pas seulement. Les entreprises du CAC40 ont distribué en 2014, 6,4 milliards d’euros d’actions gratuites essentiellement à leurs dirigeants. Comment comprendre qu’au moment où les contribuables ont de plus en plus de difficultés à payer leur impôt, on allège … celui des cadres et dirigeants bénéficiaires d’actions gratuites, pour un coût estimé à 200 millions d’euros pour l’Etat ! Quel bénéfice pour la société, quel mieux être social? Quelle politique progressiste, quelle volonté de réduire les inégalités derrière de telles mesures?
- Liaison par autocars : la fausse bonne idée
Libéraliser le transport par autocars ? Une bonne idée si ce mode de transport collectif vient en complément du réseau ferré. Mais voilà que le rapport de la Cour des Comptes vient opportunément prolonger le propos de la loi Macron : « le remplacement, sur les lignes les moins fréquentées et les plus déficitaires, de certaines dessertes par des liaisons routières moins coûteuses, est une option à étudier ». On comprend alors que l’objectif convergent est bien celui de remplacer des dessertes ferroviaires secondaires par des liaisons autocars, un transfert qui s’est toujours fait jusqu’ici avec une déperdition d’environ la moitié des voyageurs qui se tournent vers le véhicule individuel. Alors, la mesure produira sans doute à terme des économies, mais avec quelles conséquences sur la desserte des territoires ruraux et l’environnement ? Des enjeux écologiques qui sont tout autant menacés par les mesures de simplification du droit de l’environnement par ordonnance, qui risquent de se traduire par un recul par rapport au chemin lentement parcouru ces dernières années pour mieux protéger notre environnement. Et ce alors même qu’une simplification concertée et démocratique aurait pu constituer une avancée.
La loi Macron dessine ainsi un projet de société qui est loin du progrès social et environnemental partagé, que nous défendions ensemble en 2012. Elle contribuera au final à construire une société de plus en plus duale et éclatée, entre riches et pauvres, entre ruraux et urbains, une société qui privilégie le court terme et néglige l’environnement et les générations futures.
Alors que la France et l’Europe sont confrontées à une stagnation de l’activité économique, cette loi de circonstance n’apportera rien ou si peu face aux enjeux d’un chômage de masse et de longue durée, qui nourrit la désespérance sociale. Ce gouvernement se contente de vieilles recettes, dont la philosophie est à l’opposé de notre idéal de régulation et de justice sociale. Ce faisant, il se révèle hélas incapable de penser et d’inventer un nouveau modèle de développement, de prospérité sans croissance. Quel gâchis !