Perspectives de développement pour le Mali : Intervention de Christophe Cavard pour le groupe de députés écologistes
Dans le cadre du débat sur « le Mali : au-delà de l’intervention militaire, perspectives de reconstruction et de développement » du mercredi 27 février à l’Assemblée nationale, Christophe Cavard replace la question des crises alimentaires et démocratiques au coeur des enjeux de développement et de résolution des conflits, et réouvre le débat du fédéralisme en écho aux positions récentes du 1er ministre malien Diango Cissoko.
Lire son intervention:
« Voilà près de deux mois que l’intervention militaire de la France a commencé au Mali et en préambule de mon intervention, je voudrais rappeler quelques points au nom du groupe des députés écologistes.
Tout d’abord, comme nous l’avions souligné dès le début, notre groupe ainsi que notre mouvement a approuvé l’intervention militaire en la replaçant dans un contexte d’urgence à agir évident.
En second lieu, cette intervention ne peut faire l’économie d’un compte rendu précis au parlement, que cela concerne la dimension militaire de l’intervention ou ses conséquences politiques et diplomatiques. Dans ce cadre, je tiens à saluer la démarche du gouvernement auprès de notre assemblée et l’appelle à maintenir un dialogue régulier avec celle-ci.
Enfin, je tiens à ce moment à assurer les familles du sergent-chef Harold Vormezeele et du lieutenant Damien Boiteux de la solidarité du groupe écologiste.
Chers collègues, quelques jours après le décès du photographe Olivier Voisin en Syrie à qui je tiens à rendre ici hommage, car par son engagement, il a su comme d’autres maintenir le fil vital de l’information en temps de guerre, je voudrais tout d’abord me faire l’écho des journalistes qui concernant le conflit Malien parlent de guerre « Mystère » tant les informations sont faibles. Je voudrais dire que s’agissant d’un terrain militaire engageant la France, nous devons encore une fois faire preuve d’exemplarité.
Alors qu’il semble que Gao et Kidal sont emprises à une évolution du conflit en guerilla, le sentiment d’absence de communication du gouvernement sur le bilan militaire, le bilan des pertes, les prisonniers de guerre, le bilan humanitaire sur la première phase de l’intervention Serval devient problématique.
Si le chiffre de 100 millions d’euros a été avancé par M. le Ministre, rappelant le coût très important de notre intervention au Mali, notamment en comparaison de l’aide au développement, cette donnée doit surtout nous montrer l’extrême urgence d’un déploiement de force sous mandat ONU dans un très bref délai. Ce déploiement d’une force onusienne, par-delà sa capacité à accélérer la construction d’infrastructures vitales pour le développement du territoire malien, aurait un double intérêt. Assurer l’engagement de la communauté internationale dans la résolution d’un conflit dépassant largement les frontières malienne et s’attaquer de façon plus conséquente aux problèmes sous-jacents qui ont permis à un tel conflit de se développer.
Pour nous écologistes ces problèmes sous-jacents sont principalement de deux natures.
Le premier se caractérise par la crise alimentaire qui touche régulièrement le Nord-Mali et affecte, selon une étude de l’ONU, une population de 1,6 million de personnes. Toutes les ONG présentes sur place ont maintes fois attiré l’attention de la communauté internationale sur les priorités en matière de distribution de vivres et de fournitures de soins médicaux. Pour mémoire, une étude récente de Médecins du Monde, chiffrait à plus de 1 personne sur 10 en état de malnutrition aigüe dans la ville de Kidal. Cette crise alimentaire issue des problèmes de sécheresse, accentuée par une politique de développement insuffisante et trop centrée sur le sud, décuplée par la rébellion et maintenant par la guerre, ne peut rester sans réponse forte. Si nous avons su répondre dans l’heure à l’urgence militaire, nous ne pouvons rester sourds à l’urgence alimentaire qui frappe cette région depuis trop longtemps ! Notre histoire commune lie nos deux peuples. Nous avons le devoir de solidarité avec les habitants du Mali.Nous savons que les stocks de nourriture et de médicaments sont disponibles. Nous savons la capacité des ONG à intervenir rapidement. Nous avons maintenant le devoir de leur permettre d’agir sans délai.
Le deuxième problème sous-jacent est la crise démocratique. En se fédérant, des mouvements Touaregs aux intérêts différents ont mis en lumière la forte attente des populations du nord pour la prise en charge de leurs problèmes quotidiens.J’entends la voix de ceux qui crient à la non représentativité des mouvements Touaregs. Mais je leur réponds que la question fondamentale est la capacité d’une population à prendre en charge son quotidien elle-même, au plus près de ses réalités. La subsidiarité n’est pas une remise en cause de la souveraineté d’un pays. Elle est la prise en compte d’une évolution démocratique nécessaire qui remet l’individu dans son environnement direct au cœur des décisions qui le concerne.Je regrette que le premier ministre Diango Cissoko ait fermé la porte à cette grande idée du fédéralisme. Bien sûr le peuple malien trouvera lui-même les outils constitutionnel de sa renaissance. Mais dans cette panoplie, le fédéralisme que nous, écologistes, promouvons au cœur de l’Europe, est une piste intéressante qu’il me paraît important de porter au débat.
En ayant en mémoire l’ingérence politique et la « france-afrique » qui fait peser sur nos idées une méfiance légitime, c’est en démocrate et en ami que je souhaite que nous menions ce débat !
Je vous remercie »
Christophe Cavard
[…] Publié le 4 mars 2013 dans Interventions Newsletter perspectives-de-developpement-pour-le-mali-intervention-de-christophe-cavard-pour-le-groupe-de-deput… […]