un nouveau délit d’entrave à l’IVG

C’est devenu une sorte de rituel réactionnaire : chaque examen d’un texte touchant à la liberté de choix ou d’égalité entre les sexes donne lieu à une vague de protestations, une nouvelle montée d’entrepreneurs de morale, qui pensent que seule « leur » morale vaut, et qu’elle doit s’appliquer à toutes et à tous, parce qu’elle est issue de leur interprétation d’un texte qu’ils estiment sacré, c’est à dire, pour eux, au-dessus des lois que la République se donne.
On ne va pas refaire le siècle, malheureusement Malraux avait raison. Ce siècle voudrait bien être religieux.
Raison de plus pour que la raison l’emporte sur les fanatismes, et libère les consciences. L’Assemblée Nationale a donc adopté dans la soirée du 1er décembre une proposition de loi du groupe socialiste, écologiste et républicain, visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG à de nouvelles pratiques visant à diffuser des informations volontairement erronées, de nature à dissuader.
Ces nouvelles pratiques ne concernent pas seulement des sites internet, comme cela a pu être dit et écrit. Elles renvoient également au fait de rediriger l’information sur des numéros verts, semblables dans leur présentation aux numéros des centres d’écoute médicaux officiels, diffusant des informations orientés, exerçant des pressions pour dissuader les personnes en recherche d’informations sur l’IVG.

Cette extension du délit d’entrave fait suite à trois précédentes modifications de la qualification du délit d’entrave dans la « loi Veil » :

– en 1993, la loi Neiertz avait défini une première modalité d’entrave pour lutter contre les actions de « commandos anti-ivg », dont le but était d’empêcher physiquement l’accès aux centres pratiquant l’IVG ;

– en 2001, le législateur avait rajouté la notion de pressions morales et psychologiques aux menaces et actes d’intimidation sanctionnés et en alourdissant les peines prévues ;

– en 2014, la loi avait encore élargi le champ du délit d’entrave en permettant de sanctionner les actions visant à empêcher l’accès à l’information au sein des structures pratiquant des IVG.

Les opposants à l’IVG ont adapté leur mode d’intervention à l’évolution du délit d’entrave. Depuis quelques années, sont apparus des sites internet en apparence « neutres », qui renvoient les internautes en quête d’informations vers des centres d’appels. Ces « centres d’appels » ne ressemblent pourtant à rien de ce que l’on peut imaginer devant un tel vocable. Pas de professionnels formés à l’écoute au bout du fil, mais des militants pro-vie, installés dans leur maison, vers qui l’appel est redirigé, et qui vont tenter inlassablement de réduire les choix, à coups d’arguments culpabilisateurs, de fausses assénations, allant, lorsqu’ils échouent à détourner de l’IVG, jusqu’à donner de faux rendez-vous médicaux.

Le législateur devait trouver un moyen efficace de lutter contre ces colporteurs de mensonges, au nom des dangers qu’ils provoquent, sans toutefois tomber dans la censure. Difficile équilibre, que cet article unique devrait néanmoins avoir trouvé.
Le texte reviendra en deuxième lecture en janvier. Gageons que d’autres illuminés viendront encore jusque dans nos boites à lettres pousser leur cri. Mais tant qu’une majorité progressiste siégera à l’Assemblée, elle protégera les femmes des outrances réactionnaires.

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Christophe Cavard est intervenu durant ce débat. Retrouvez son intervention ici.

La rédaction de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique après la modification législative :

« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse. »

 

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