Encadrer la responsabilité sociétale des entreprises pour un nouveau modèle de développement
LA RESPONSABILITE SOCIALE DES ENTREPRISES : UNE NECESSITE POUR UN NOUVEAU MODELE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DE NOS SOCIETES
Intervention pour le colloque RSE- Montpellier le 23 novembre 2013
La responsabilité sociétale des entreprises est aujourd’hui devenue essentielle pour concilier développement économique, respect de l’environnement et des droits humains. C’est un outil de la transition écologique, pris en compte dans le cadre des lois du Grenelle 2 ou dans la feuille de route pour la transition écologique adoptée à l’issue de la conférence environnementale de septembre 2012.
Pour favoriser le développement de la RSE, de nombreux instruments ont été mis en place, permettant l’encouragement de démarches volontaires des entreprises mais aussi mettant en place un cadre réglementaire contraignant. Si l’Europe n’est pas encore parvenue à un consensus pour encadrer législativement la RSE, la France est le seul pays, avec le Danemark, à s’être dotée d’outils législatifs.
Loin d’être suffisant, ce cadre doit être renforcé. Cependant, un seul texte de loi ne pourra à lui tout seul, renforcer la responsabilité sociétale des entreprises. Je partage largement les propositions du rapport au gouvernement de juin 2013, mais trois éléments qui me semblent essentiels pour développer la responsabilité sociale des entreprises :
(1) Il faut évidemment responsabiliser les entreprises multinationales, pour garantir une prise en compte de la RSE dans leur stratégie globale de développement, notamment en instaurant un devoir de vigilance, et en renforçant l’action de groupe récemment introduite dans le droit français.
Actuellement, aux yeux du droit, chaque entité qui compose un groupe multinational est considérée comme autonome et sans lien juridique avec la maison-mère. Conscient de cette lacune juridique, le groupe écologiste de l’Assemblée Nationale, à l’initiative de Danielle Auroi, députée du Puy de Dôme, a déposé une proposition qui sera étudiée en 2014 et qui vise à instaurer un devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs et donc responsabiliser les sociétés transnationales afin d’empêcher la survenance de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement.
Au-delà de ce devoir de vigilance, l’action de groupe inscrite dans la loi « consommation » qui repassera début décembre à l’Assemblée Nationale, ouvre une voie de recours aux consommateurs en réponse aux manquements des entreprises au Code de la consommation (pratiques abusives, frauduleuses, allégations mensongères) ainsi qu’aux pratiques anticoncurrentielles. Les consommateurs obtiennent une voie de recours collective en réparation des préjudices économiques. Pour le groupe des écologistes, cette proposition n’est pas encore suffisante pour pleinement responsabiliser les entreprises : Il est nécessaire de l’élargir aux associations et citoyens et pas uniquement aux consommateurs, ainsi qu’aux préjudices environnementaux et en matière de santé. Il serait également plus efficace de mettre en place un opt-out, c’est-à-dire inclure les personnes qui n’ont pas engagé de poursuite de manière systématique dans le processus d’action de groupe.
(2) Il faut aussi permettre à l’ensemble des acteurs qui participe et met en œuvre les stratégies des entreprises de prendre en compte les objectifs de la RSE. Cela passera par exemple par une meilleure prise en compte de la RSE dans le dialogue social et par la formation professionnelle.
Dans leur contenu, les négociations entre syndicats et employeurs se sont élargies ces dernières années à de nouveaux sujets (égalité entre les hommes et les femmes, GPEC, qualité de vie au travail), même si peu d’accord concernent ces sujets. Sans aller jusqu’à imposer une négociation obligatoire sur la RSE, il faut renforcer la prise en compte, dans toutes les instances de dialogue social, des dimensions sociales, environnementales et de gouvernance au sein des négociations qui sont conduites (aussi bien au niveau interprofessionnel, des branches, dans les entreprises, mais également au niveau national et international).
Une meilleure communication des informations extra financières aux représentants des salariés doit permettre de mieux prendre en compte les dimensions de la RSE dans le dialogue social.
J’ai moi-même porté un amendement lors de l’examen de la loi sur la sécurisation de l’emploi de mai 2013 qui prévoit que pour les entreprises soumises à l’obligation de produire un rapport aux actionnaires sur la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, les informations contenues dans le rapport soient mises à disposition des représentants du personnel. Cette mise à disposition permettra de disposer dans la base de données, d’information sur la politique générale de l’entreprise en matière environnementale, sur la gestion et la pollution des déchets, sur l’utilisation durable des ressources, notamment énergétiques, sur sa politique de lutte contre le changement climatique et en faveur de la biodiversité.
La formation professionnelle doit également servir de levier au développement de la RSE en permettant :
– Une meilleure intégration, dans les cursus de formation, des principes de la RSE et du Développement durable.
– Une sécurisation effective des parcours professionnels. Elle doit à ce titre être intégrée aux stratégies de performance sociale des entreprises.
(3) Enfin, il faut soutenir un nouveau modèle économique, qui favorise le développement d’entreprises socialement responsables, à travers notamment le soutien à l’ESS .
Une communication de la commission européenne de juillet 2002 soulignait que l’expérience des acteurs de l’économie sociale pouvait être employée pour identifier les bonnes pratiques et s’en inspirer : « les coopératives, mutuelles et associations, en tant qu’organisations fondées autour d’un groupe de membres, savent depuis longtemps allier viabilité économique et responsabilité sociale. Elles parviennent à un tel résultat grâce à un dialogue entre leurs parties prenantes et une gestion participative et peuvent donc constituer une référence majeure pour les entreprises ».
L’économie sociale et solidaire est socialement responsable :
– De par ses principes de gouvernance interne, d’organisation du travail et le statut des salariés
– De par son ancrage territorial et sa contribution au développement du territoire sur lequel elle est implantée
– De par son objet social en lien avec l’utilité sociale
Après la loi bancaire, la future loi sur l’économie sociale et solidaire doit permettre de soutenir un autre modèle de développement économique.
C’est d’ailleurs dans l’objectif de développer ce nouveau modèle économique que j’ai introduit un amendement dans la loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi : pour lutter contre les dérives des licenciements boursiers et pour garantir aux salariés une meilleure protection, la loi propose désormais que les salariés soient informés dès le début de la procédure et par les dirigeant de l’entreprise, de leur possibilité de faire une offre de reprise, et en particulier sur le modèle des SCOP.
Enfin, si l’on veut proposer un nouveau modèle de développement, il faut aussi que les pouvoirs publics soient eux-mêmes exemplaires à travers leur politique d’achat. L’achat durable se définit par la prise en compte, dans le cadre des marchés publics, des dimensions sociales, environnementales et économiques dans leur politique d’achat. Il favorise les entreprises qui répondent aux objectifs de la RSE dans l’attribution de leurs appels d’offre. Or, en 2010, 2.5 % des marchés des collectivités territoriales comportent 1 clause sociale et 5.1% comportent une clause environnementale.